Sociologie pour tous

Le CONSTRUCTIVISME SOCIAL

FICHE DE LECTURE

Sources: Google.fr, wikipedia.org, Lexique de sociologie.

Le CONSTRUCTIVISME SOCIAL

 

Sommaire

Approche définitionnelle

Objet 

Qu'est ce qu'une analyse basée sur la construction sociale ?

Approche de Pierre Bourdieu

 

GENERALITES

Le constructivisme est un courant de pensée dont Ludwik Fleck est le précurseur courant les années 1930.

Depuis la parution du livre de Berger et Luckmann en 1966, l'expression « construction sociale » a fait florès en sciences humaines. Dans Entre science et réalité : La construction sociale de quoi ?, le philosophe et historien des sciences Ian Hacking relève que cette expression est parfois utilisée dans un contexte où elle n'a pas de sens. Par exemple, l'éditeur de Rom Harré a insisté pour que Harré change le titre d'un de ses ouvrages The Social Production of Emotions et The Social Construction of the Emotions car ce dernier titre paraissait plus vendeur. L'expression « construction sociale » est très connotée : ses partisans se rangent dans un camp radical tandis que ses adversaires se déclarent raisonnables.

Sa version sociologique, le constructivisme social se situe au croisement de plusieurs courants de pensée, et est l'œuvre essentielle de Peter L. Berger et Thomas Luckmann qui, dans leur livre The Social Construction of Reality (1966) l'introduisent, à la recherche des processus de construction de la réalité sociale et des phénomènes sociaux.

Dans ce manuel de la sociologie de la connaissance et bien évidemment de celle constructiviste, les auteurs postulent que la réalité sociale et par ricochet les faits sociaux sont « construits  ».

Autrement dit, ces phénomènes sont créés, institutionnalisés et transformés en traditions, plutôt que d'exister sous une forme sociale toute faite, préconçue. Il en vient alors que le constructiviste s'intéresse au processus conduisant à leur traditionalisation.

Ce courant sociologique se focalise entre autres sur la description des institutions, des actions… . La « réalité socialement construite » est vue comme un processus dynamique : elle est « re-produite » par des acteurs sociaux agissant en fonction de leur interprétation et de leur connaissance (qu'elle soit consciente, ou inconsciente) de celle-ci. Il s'agit ici de la réalité subjective plutôt qu'objective, telle que nous pouvons la percevoir plutôt que séparée de nos perceptions. En somme, au sens du constructivisme social, l'acteur agit déterminé par ses propres convictions, ses propres motivations, en quelle que sorte sa culture personnelle.

Partant du postulat que les faits scientifiques eux-mêmes sont eux-mêmes les produits de la dynamique de dispositifs institutionnels particuliers, et qu'ils ne sont pas le reflet d'un quelconque "monde des Idées" d'où ils pourraient être tirés , des auteurs comme Karin Knorr Cetina et Bruno Latour s'inscrivent dans la mouvance du constructivisme social pour tenter de relativiser la scientificité des faits scientifiques.

Pour eux, la vérité elle-même des connaissances scientifiques doit être rapportée à un contexte institutionnel et historique particulier, et n'a aucune valeur absolue.

Il apparaît alors que la construction sociale de la réalité se trouve au cœur du constructivisme social, mais pourrait pécher par un excès de relativité et de relativisation.

Mais qu'est ce donc que la construction sociale ?

 

 

OBJET DU CONSTRUCTIVISME

L'objet du constructivisme social est de décrire et comprendre comment les frontières et les règles de la société, invisibles mais puissantes, sont créées, transformées, institutionnalisées et perpétuées via leur transmission aux générations futures. Son histoire a été fortement influencée par les réflexions de Berger et Luckmann. On dénote deux versions de ce courant.

Version faible du constructivisme social

Le linguiste Steven Pinker pense que certaines catégories comme la monnaie, la citoyenneté ou le Président des États-Unis sont vraiment des constructions sociales dont l'existence tient seulement à un accord tacite entre les gens qui agissent comme si ces catégories existaient. Hacking et Pinker s'accordent pour dire que les objets de cette sorte peuvent être décrits comme faisant partie de ce que John Searle appelle la « réalité sociale ». Ils sont « subjectifs d'un point de vue ontologique » (ontologically subjective) mais « objectif d'un point de vue épistémologique » (epistemologically objective).

Autrement dit, ils ont besoins de pratiques humaines pour continuer d'exister mais ils produisent des effets universellement reconnus. Le désaccord porte sur la question de savoir si ces catégories doivent être appelées « construction sociale ». La réponse de Hacking est non. Il n'est d'ailleurs pas évident si les auteurs d'analyses basées sur la « construction sociale » entendent jamais cette expression au sens de Pinker. Sinon, Pinker a mal compris l'intérêt de ce concept.

 

 

 

Version forte du constructivisme social.

« La science est un ensemble de conventions hautement élaboré produit par une culture particulière (la notre) dans des circonstances historiques particulières ; ainsi, ce n'est pas, comme le prétend l'opinion habituelle, un ensemble de connaissances et d'hypothèses vérifiables concernant le monde réel. C'est un discours, conçu par et pour une communauté interprétative spécialisée, en des termes créés par le mélange complexe de circonstances sociales, d'opinions politiques, d'incitations économiques et d'un climat idéologique qui constitue l'environnement humain du scientifique. La science orthodoxe n'est donc qu'une communauté discursive parmi les nombreux autres qui existent aujourd'hui ou qui ont existé dans le passé. Par conséquent, ses prétentions à la vérité sont irréductiblement auto-référentielles, car elles peuvent être seulement soutenues en faisant appel aux normes qui définissent la communauté scientifique et la distinguent des autres organisations sociales. » (Traduction de Gross et Levitt, Higher Superstition).

La plupart des scientifiques et des historiens ne cherchent généralement pas à réfuter l'idée que le monde entier est une construction sociale. Cependant, selon Hacking, il n'est pas sûr que quiconque ait jamais prétendu sérieusement que tout est une construction sociale. Dans l'introduction de The Social Construction of Reality, Berger et Luckmann préviennent qu'ils n'étudient pas la « réalité » entendue dans un sens philosophique, mais seulement ce que l'homme pris dans son quotidien considère comme réel.

 

 

Qu'est-ce qu'une analyse basée sur la construction sociale ?

Cette question est difficile car la terminologie « construction sociale » peut signifier beaucoup de choses. Hacking, ayant étudié une grande variété d'ouvrages et d'articles intitulés « The social construction of … » ou « Constructing… », affirme que lorsque l'on dit qu'une chose X est « socialement construite », cela résume au moins les deux affirmations suivantes :

En l'état actuel des choses, X est considéré comme acquis, il apparaît comme inévitable.

X n'avait pas besoin d'exister ou d'être comme il est. X, ou X tel qu'il est à présent, n'est pas déterminé par la nature des choses, il n'est pas inévitable.

Il précise que les deux affirmations suivantes sont également souvent, sous-entendu par l'expression « construction social » :

X est plutôt mauvais comme il est actuellement.

Nous serions beaucoup mieux si nous nous débarrassions de X, ou tout au moins si nous le transformions radicalement.

Ainsi, la revendication selon laquelle le genre est socialement construit signifie probablement que le genre, tel qu'il est compris aujourd'hui, n'est pas un inévitable résultat biologique, mais dépend hautement de processus sociaux et historiques. Ce que d'ailleurs les systémistes adoubent au plus haut niveau. De plus, selon la personne qui revendique, elle peut signifier que notre compréhension actuelle du genre est nuisible et devrait être modifiée ou éliminée, autant que faire se peut.

Selon Hacking, les revendications qui s'appuient sur le constructivisme social ne disent pas toujours clairement ce qui n'est pas inévitable ou ce dont nous devrions nous débarrasser. Si l'on considère la revendication imaginaire « les quarks sont socialement construits ». Dans un sens, cela signifie que les quarks eux-mêmes ne sont pas inévitables ou déterminés par la nature des choses. Dans un autre, cela signifie que notre conceptualisation des quarks n'est pas inévitable ou déterminée par la nature des choses. Hacking préfère de beaucoup la seconde interprétation. De plus, il affirme que si la seconde interprétation est choisie, il n'y a pas forcément de conflit entre l'idée que les quarks sont socialement construits et celle qu'ils sont réels.

Le problème est donc de savoir si les construits sociaux sont réels ou si la réalité est exclusivement un construit social.

En passant du monde physique au monde des êtres humains, les analyses basées sur la construction sociale peuvent devenir plus complexes.

L'étude de Hélène Moussa sur la construction sociale des femmes réfugiées permet de retenir que :

L'idée que se font les citoyens canadiens des femmes réfugiées n'est pas inévitable, mais historiquement contingente (l'idée ou la catégorie « femme réfugiée » peut donc être considérée comme socialement construite).

Les femmes qui vont au Canada pour y chercher asile sont profondément affectées par la catégorie « femme réfugiée ». Parmi d'autres choses, si une femme n'est pas légalement reconnue comme une « femme réfugiée », elle peut être expulsée et forcée de reprendre une condition de vie très difficile dans son pays d'origine.

De telles femmes peuvent modifier leur comportement, et même leur attitude envers elles-mêmes, dans le but de gagner le bénéfice d'être classées comme « femme réfugiée ».

Hacking suggère que cette troisième étape de l'argumentation, l'interaction entre une catégorie socialement construite et les individus qui sont ou pourraient être inclus dans cette catégorie, est présente dans beaucoup d'analyses basées sur la construction sociale qui étudient des catégories d'individus.

 

 

Approche Bourdieusienne du constructivisme

Pierre Bourdieu est né en  1930. Philosophe puis sociologue, il s'est inspiré à la fois de trois des "pères fondateurs" de la sociologie, que l'on a traditionnellement opposés avant lui : Marx, Durkheim et Weber.

Bourdieu a développé une oeuvre multiforme sur de nombreux terrains, mêlant l'élaboration théorique au travail d'enquête. Ainsi, ses recherches ne se sont pas cantonnée à l'analyse de la reproduction des structures sociales - qui n'a d'ailleurs jamais été comprise par Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron comme une reproduction à l'identique - mais beaucoup d'autres aspects ont été intégrés à des réflexions. C'est le cas, par exemple, dans un ouvrage collectif qu'il a dirigé : La Misère du monde, centré sur la façon dont des formes sociales de souffrance travaillent la subjectivité des individus. Ce qu'il a appelé "constructivisme structuraliste" synthétise bien l'originalité de sa démarche, particulièrement en ce qui concerne les travaux qui ont été publiés depuis la fin des années 1970.

 

1- Un constructivisme structuraliste

Le constructivisme structuraliste de Bourdieu repose sur 5 axes principaux :

la définition des notions d'habitus et de champ.

La dimension symbolique de l'ordre social

Une sociologie de l'action : la logique de la pratique

Le poids déterminant des structures objectives

Le poids déterminant des structures objectives

 

Pour Bourdieu le "constructivisme structuraliste" se situe à la jonction de l'objectif et du subjectif : "Par structuralisme ou structuraliste, je veux dire qu'il existe, dans le monde social lui-même, [...] des structures objectifs indépendantes de la conscience et de la volonté des agents, qui sont capables d'orienter ou de contraindre leurs pratiques ou leurs représentations. Par constructivisme, je veux dire qu'il y a une genèse sociale d'une part des schèmes de perception, de pensée et d'action qui sont constitutifs de ce que j'appelle habitus, et d'autre part des structures sociales, et en particulier de ce que j'appelle des champs ." écrit il

Dans cette double dimension, objective et construite, de la réalité sociale, une certaine primauté continue toutefois à être accordée aux structures objectives. C'est ce qui conduit Bourdieu à distinguer deux moments dans l'investigation, un premier moment objectiviste et un deuxième moment subjectiviste : "d'un côté, les structures objectives que construit le sociologue dans le moment objectiviste, en écartant les représentations subjectives des agents, sont le fondement des représentations subjectives et elles constituent les contraintes structures qui pèsent sur les interactions ; mais d'un autre côté, ces représentions doivent aussi être retenues sur l'on veut rendre compte notamment des luttes quotidiennes, individuelles et collectives, qui visent à transformer ou à conserver ces structures".

Cette priorité chronologique et théorique donnée à la dimension objective de la réalité sociale puise une part de ses racines dans une réflexion épistémologique, exprimée par Bourdieu, Chamboredon et Passeron en 1968 dans Le métier de sociologue et réitérée par Bourdieu, au coeur de laquelle se trouve la notion de "rupture épistémologique", rupture entre la connaissance scientifique des sociologues et "la sociologie spontanée" des acteurs sociaux. Toutefois, malgré la réaffirmation de ce principe, la démarche de Bourdieu apparaît, souvent, dans le détail des analyses, plus complexe qu'une simple dichotomie entre connaissance savante et connaissance ordinaire. Il base ses analyses sur deux concepts clé : habitus et champ.



20/07/2007
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